• Foutez-vous la paix, Fabrice Midal (extraits)

    "Calme" (...) vient de l'occitan "calma". Ce terme maritime désigne l'absence de vent qui contraignait autrefois les marins à l'inactivité, c'est-à-dire au chômage. Quand la mer est calme il est impossible d'avancer ! Le calme est l'absence de mouvements, l'immobilité statique.
    Evidemment que j'aime et apprécie les moments où je me sens en harmonie avec l'ordre du monde, pendant lesquels le temps semble enfin suspendu. (...) Mais je sais aussi qu'un "calme-toi" ne calme jamais quiconque. Ce sentiment dont je veux parler n'est pas une injonction; il nous arrive de surcroît, c'est un don, il se gagne.
    Ce sentiment je l'appelle paix. "Paix"(...) est issu de la vieille racine indo-européenne "pehg que l'on retrouve dans le latin "pax" mais surtout dans le verbe "pango" et dans le grec "pégnumi" et qui signifie réparer, ajuster, travailler. La paix implique un effort pour que tout soit rassemblé avec justesse. Soit tout l'inverse du mot "calme". Pacifier n'a donc rien à voir avec calmer. En ce sens la méditation pacifie, mais elle ne calme pas. Heureusement !
    Le sentiment de paix ne correspond nullement à l'idéal lisse et parfait véhiculé en Occident depuis l'époque d'Epicure et des Stoïciens, il n'est pas ce calme reposant sur une vision étroite, éteinte, terne et donc fausse de la vie. La paix n'implique pas de se prémunir du tumulte des émotions, de la vie, des vagues et même des roulis; au contraire elle les intègre dans son amplitude. Elle n'est pas bousculée par de petites agressions (...) elle n'est pas l'absence de troubles, mais la capacité d'entre en rapport, avec patience et douceur, avec l'ensemble de la réalité, y compris avec sa propre rage, avec son chagrin dont on reconnaît ainsi l'existence au lieu de les nier. Je n'étouffe pas ce chagrin, je ne l'escamote pas, ce qui serait d'une incroyable violence, je ne le juge pas non plus, mais je suis simplement présent à lui. Je ne me donne pas l'ordre de me calmer. Je me fous la paix ! Je ne rajoute rien à l'expérience que je vis.

    ...

    (La méditation) Elle ne nous demande rien. Elle ouvre un espace où nous sommes autorisés à nous foutre la paix. J'ignore s'il faut méditer tous les jours ou deux fois par semaine. Je sais seulement que la méditation est perdue d'avance si on l'installe dans notre vie comme une nouvelle consigne. Peu importe si vous n'arrivez pas à méditer certains jours. Si parfois, en vous asseyant, il vous arrive de vous lever aussitôt. N'essayez pas de relever un défi ou de tenter de réussir quoi que ce soit.

    ...

    La vraie paix est celle que l'on découvre au coeur même de l'angoisse; ce n"est pas une paix isolée des émotions, des passions, d'une certaine insécurité. La paix ne découle pas d'un contrôle absolu de ce que l'on est, mais d'une transmutation des aléas de la réalité. Je donne souvent l'exemple d'un enfant malade, fiévreux, endoloris. Il geint, sa mère vient à ses côtés, elle lui tient la main. Elle l'aime. La maladie est là certes, mais en même temps, ele est autre. Il se sent désormais en sécurité.
    La méditation telle que je l'entends, la pratique et la transmets est une voie pour parvenir à cette transmutation. Elle n'efface pas les émotions, quelles qu'elles soient, mais elle les transmute en nous ouvrant à la bienveillance, à une forme de paix, elle nous amène à un tout autre rapport aux petits et grands bobos du quotidien. Une telle paix n'est pas l'effacement de ces bobos ni leur contournement, elle est une autre manière de les percevoir, et surtout d'entrer en réaction quand ils se présentent. La méditation telle que je l'entends est la voie d'accès vers l'exaltation, la passion, l'action.

     


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